Intelligence artificielle : le cadre juridique européen de l’IA en 5 questions

Avec le déploiement de ChatGPT en 2022 et, plus récemment, de Gemini, l’Union européenne (UE) souhaite mettre en place un règlement sur l’intelligence artificielle (IA). Adopté le 2 février 2024, ce règlement a pour objectif d’encadrer le développement de l’IA. Le point en cinq questions.

Existe-t-il une législation européenne sur l’IA ?

Entre nécessité de prévenir les dangers liés à cette technologie et volonté de ne pas prendre de retard, les États membres de l’UE ont, à l’unanimité, validé la proposition de règlement sur l’intelligence artificielle lors d’une réunion des représentants permanents auprès de l’Union européenne (Coreper). Il s’agit d’une législation inédite au niveau mondial pour réguler l’intelligence artificielle. Ce vote entérine l’accord politique conclu en décembre 2023 par les co-législateurs au terme des négociations interinstitutionnelles.

La Commission a présenté en 2021 une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle. Le 8 décembre 2023, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont trouvé un accord sur ce texte, qui sera la première loi sur l’intelligence artificielle dans le monde. Cette proposition de cadre réglementaire poursuit les objectifs suivants :

  • veiller à ce que les systèmes d’IA mis sur le marché soient sûrs et respectent la législation en vigueur en matière de droits fondamentaux, les valeurs de l’UE, l’État de droit et la durabilité environnementale ;
  • garantir la sécurité juridique afin de faciliter les investissements et l’innovation dans le domaine de l’IA ;
  • renforcer la gouvernance et l’application effective de la législation existante en matière d’exigences de sécurité applicables aux systèmes d’IA et de droits fondamentaux ;
  • faciliter le développement d’un marché unique pour des applications d’IA légales et sûres, et empêcher la fragmentation du marché.

Plus spécifiquement, la proposition de règlement établit :

  • l’interdiction de certaines pratiques ;
  • des exigences spécifiques applicables aux systèmes d’IA à haut risque ;
  • des règles harmonisées en matière de transparence applicables :
    • aux systèmes d’IA destinés à interagir avec des personnes,
    • aux systèmes de reconnaissance des émotions et de catégorisation biométrique,
    • aux systèmes d’IA générative utilisés pour générer ou manipuler des images ou des contenus audio ou vidéo.

Cette approche doit tenir compte des résultats bénéfiques sur les plans sociaux et environnementaux que peut apporter l’IA, mais aussi des nouveaux risques ou des conséquences négatives que peut engendrer cette technologie.

La cohérence est assurée avec la Charte des droits fondamentaux de l’UE, mais aussi avec le droit dérivé de l’UE en matière de protection des données, de protection des consommateurs, de non-discrimination et d’égalité entre les femmes et les hommes. La proposition complète le droit existant en matière de non-discrimination en prévoyant des exigences qui visent à réduire au minimum le risque de discrimination algorithmique, assorties d’obligations concernant les essais, la gestion des risques, la documentation et le contrôle humain tout au long du cycle de vie des systèmes d’IA.

Qu’est-ce qu’un règlement européen ?

Quelle est la définition de l’intelligence artificielle donnée par la proposition de règlement sur l’IA ?

Un système d’intelligence artificielle est un logiciel qui est développé au moyen d’une ou de plusieurs des techniques suivantes :

Un tel système d’IA peut, pour un ensemble donné d’objectifs définis par l’homme, générer des résultats tels que des contenus, des prédictions, des recommandations ou des décisions influençant les environnements avec lesquels il interagit.

La proposition de règlement sur l’IA définit aussi :

  • un système d’identification biométrique à distance comme « un système d’IA destiné à identifier des personnes physiques à distance en comparant les données biométriques d’une personne avec celles qui figurent dans une base de données de référence, et sans que l’utilisateur du système d’IA ne sache au préalable si la personne sera présente et pourra être identifiée » ;
  • un système d’identification biométrique à distance en temps réel comme « un système d’identification biométrique à distance dans lequel l’acquisition des données biométriques, la comparaison et l’identification se déroulent sans décalage temporel significatif. Cela comprend non seulement l’identification instantanée, mais aussi avec un léger décalage afin d’éviter tout contournement des règles« .

L’intelligence artificielle :

Quelles sont les pratiques d’IA interdites par la proposition de règlement ?

La proposition de règlement sur l’IA interdit les pratiques suivantes en matière d’intelligence artificielle :

  • système d’IA ayant recours à des techniques subliminales au-dessous du seuil de conscience d’une personne pour altérer substantiellement son comportement et de manière à causer un préjudice physique ou psychologique (manipulation du comportement humain pour contourner le libre arbitre) ;
  • système d’IA exploitant les éventuelles vulnérabilités dues à l’âge ou au handicap d’un individu pour altérer substantiellement son comportement et de manière à causer un préjudice physique ou psychologique ;
  • systèmes d’IA destinés à évaluer ou à établir un classement de la fiabilité de personnes en fonction de leur comportement social ou de caractéristiques personnelles et pouvant entraîner un traitement préjudiciable de personnes, dans certains contextes, injustifié ou disproportionné. L’accord trouvé entre le Parlement et les États membres précise l’interdiction des systèmes de catégorisation biométrique utilisant des caractéristiques sensibles (opinions politiques, religieuses, philosophiques, orientation sexuelle…) et la notation sociale basée sur le comportement social ou les caractéristiques personnelles ;
  • reconnaissance des émotions sur le lieu de travail et les établissements d’enseignement ;
  • systèmes d’identification biométrique à distance « en temps réel » dans des espaces accessibles au public à des fins répressives, sauf dans les cas suivants :
    • recherche ciblée de victimes potentielles spécifiques de la criminalité (enfants disparus, traite, exploitation sexuelle),
    • prévention d’une menace spécifique, substantielle et imminente pour la vie ou la sécurité des personnes ou la prévention d’une attaque terroriste,
    • identification, localisation ou poursuite à l’encontre des auteurs ou des suspects de certaines infractions pénales punissables d’une peine d’une durée maximale d’au moins trois ans.

L’utilisation de systèmes d’identification biométrique doit :

  •  tenir compte de la situation donnant lieu au recours au système et de la gravité ou de l’ampleur du préjudice en l’absence de son utilisation ;
  •  tenir compte des conséquences sur les droits et libertés de toutes les personnes concernées (gravité, probabilité, ampleur) ;
  • être subordonnée à une autorisation préalable octroyée par une autorité judiciaire ou administrative compétente.

L’annexe III de la proposition de règlement dresse une liste des systèmes d’IA à haut risque. Les députés ont inclus dans le règlement une analyse d’impact obligatoire sur les droits fondamentaux, également applicable au secteur bancaire et des assurances. Les systèmes d’IA utilisés pour influer sur le résultat d’élections et le comportement des électeurs sont classés à haut risque.

Les citoyens auront le droit de :

  • déposer des plaintes concernant les systèmes d’IA ;
  • recevoir des explications sur les décisions fondées sur des systèmes d’IA à haut risque ayant une incidence sur leurs droits.

Le non-respect des règles pourra entraîner des amendes comprises, en fonction de la taille de l’entreprise et de l’infraction, entre 7,5 millions d’euros ou 1,5% du chiffre d’affaires (CA) et 35 millions d’euros ou 7% du CA mondial.

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Comment la proposition de règlement sur l’IA soutiendra-t-elle l’innovation ?

Les systèmes d’intelligence artificielle connaissent une évolution rapide qui nécessite la mise en place de nouvelles formes de contrôle réglementaire et d’un espace sûr pour l’expérimentation. La proposition de règlement doit garantir une innovation responsable et l’intégration de garanties et de mesures d’atténuation des risques appropriées. Pour garantir un cadre juridique propice à l’innovation, les États membres devraient mettre en place des « bacs à sable réglementaires«  sur l’IA pour faciliter l’innovation sous un contrôle réglementaire strict avant la mise sur le marché ou en service de ces systèmes.

L’objectif est :

  • de favoriser l’innovation en créant un environnement contrôlé d’expérimentation au stade du développement afin d’assurer la conformité des systèmes d’IA innovants avec la proposition de règlement ;
  • de renforcer la sécurité juridique pour les innovateurs ainsi que le contrôle et la compréhension des possibilités, des risques émergents et des conséquences de l’utilisation de l’IA ;
  • d’accélérer l’accès aux marchés en supprimant les obstacles pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les jeunes entreprises.

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Comment l’UE prend-elle en compte la question et les enjeux de l’intelligence artificielle ?

L’UE n’a pas attendu la proposition de règlement sur l’IA pour s’intéresser à cette question et à ses enjeux.

En 2017, le Conseil européen souligne la nécessité de faire preuve d’un sens de l’urgence face aux tendances émergentes, notamment l’IA [Réunion du Conseil européen (19 octobre 2017) – conclusions].

En 2018, la Commission présente un premier plan coordonné sur l’intelligence artificielle (communication de la Commission). Il s’agit d’un engagement commun visant à renforcer le potentiel européen pour être compétitif à l’échelle mondiale, notamment au travers de stratégies nationales des États membres.

Dans ses conclusions de 2019 sur le plan coordonné, le Conseil de l’UE souligne la nécessité d’assurer le respect intégral des droits des citoyens européens. Le Conseil demande que la législation en vigueur fasse l’objet d’un réexamen [Intelligence artificielle b) Conclusions sur le plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle – Adoption].

Le Parlement européen a travaillé sur plusieurs résolutions relatives à l’IA dans divers domaines :

Ces textes contiennent des recommandations à destination de la Commission, mais aussi des propositions législatives sur les différents thèmes abordés.

Le 19 février 2020, la Commission publie un Livre blanc sur l’intelligence artificielle qui réaffirme le double objectif européen de promouvoir l’adoption de l’IA et de tenir compte des risques associés à certaines utilisations de cette technologie.

En 2020, le Conseil européen demande à la Commission de « présenter une définition claire et objective des systèmes d’intelligence artificielle à haut risque » [Réunion extraordinaire du Conseil européen (1er et 2 octobre 2020) – conclusions].

Dans des conclusions publiées en octobre 2020, le Conseil de l’UE rappelle que « si les technologies numériques, y compris l’IA, présentent de plus en plus d’opportunités et d’avantages, leur conception, leur développement, leur déploiement et leur utilisation abusive pourraient aussi comporter des risques pour les droits fondamentaux, la démocratie et l’État de droit » [Conclusions de la présidence – La charte des droits fondamentaux dans le contexte de l’intelligence artificielle et du changement numérique].

En avril 2021, la Commission présente des mesures sur l’IA :

(Article vie publique février 2024)

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